OCDE : « lex Zoug », un argument qui ne doit pas faire illusion

Vincent Simon
Vincent Simon
19 May 2023 Temps de lecture: 3 minutes
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OECD
L’argument principal du Parti socialiste suisse contre la mise en œuvre de l’imposition minimale est le suivant : la redistribution des recettes fiscales supplémentaires à raison de 25% à la Confédération et de 75% aux cantons qui hébergent les grandes entreprises multinationales est injuste. Des cantons comme Zoug ou Bâle-Ville vont toucher l’essentiel des recettes, alors que si l’on donne une plus grande part à la Confédération, celle-ci pourra l’investir en faveur de la population.

Cet argument est souvent exprimé sous la forme d’un slogan disant que la répartition choisie par le Parlement est une « lex Zoug », donc ne profitant qu’à ce canton.

Lors des débats parlementaires, le Parti socialiste a même soutenu une proposition demandant une répartition 50-50, et en outre un plafonnement par habitant. Cela signifiait que Bâle-Ville se serait vu confisquer 80% des recettes supplémentaires générées sur son territoire lui être, et Zoug même 90% !

Ce n’est bien entendu pas acceptable, c’est même totalement arbitraire. Car ce sont les cantons qui pratiquent depuis longtemps une politique fiscale attractive, qui sont des contributeurs importants à la péréquation financière intercantonale et qui rapportent des milliards à Confédération en impôts sur le bénéfice, qui auraient ainsi été « punis » en se voyant privés de recettes qui sont le résultat de leurs propres efforts.

Le fait que les cantons aient décidé entre eux d’accorder 25% à la Confédération est donc en soi un compromis. C’est le seul compromis qui mérite le respect d’ailleurs, puisqu’il engage l’ensemble des autorités concernées.

Enfin, il ne faut pas se bercer d’illusions : si d’aventure la mise en œuvre de l’imposition minimale devait être refusée le 18 juin, les cantons concernés pourraient imiter le canton de Neuchâtel. Celui-ci a introduit fin 2022 une réforme fiscale anticipant l’imposition minimale. Elle consiste en un impôt sur le bénéfice progressif. En dessous de 5 millions de francs de bénéfice, l’impôt ne change pas. Les PME ne sont donc pas concernées. Le barème augmente ensuite par paliers. Le résultat : les grandes entreprises multinationales, qui affichent souvent les bénéfices les plus élevés, se retrouvent pratiquement à 15%. En clair, le canton de Neuchâtel n’aura pas à prélever un impôt complémentaire pour atteindre 15%, et n’aura donc pas à livrer une partie de ses revenus à la Confédération. Comme il s’agit d’une modification de l’imposition ordinaire, il en conservera les recettes supplémentaires. Le grand argentier Laurent Kurth ne l’a d’ailleurs pas dit autrement.

Ce projet neuchâtelois a aussi permis d’anticiper aussi une modification fiscale en faveur des personnes physiques et de renoncer à une augmentation du prix de l’eau. Un paquet de mesures donc qui bénéficie à la population, pour reprendre le narratif du Parti socialiste lui-même.

En conclusion : si plusieurs des cantons « riches » mettent en pratique l’exemple neuchâtelois, alors on pourra bien attribuer 50% ou 100% des recettes fiscales supplémentaires à la Confédération, celle-ci touchera moins d’argent qu’avec le modèle actuel. Un comble !

L’opposition du Parti socialiste au projet d’application de l’imposition minimale de l’OCDE est donc motivée par l’idéologie et un refus d’accepter le compromis forgé par les cantons eux-mêmes. Il mène à une impasse et il donne de faux signaux inutiles. Et surtout, il menace notre pays de voir des recettes fiscales lui échapper.