OCDE : « lex Zoug », un argument qui ne doit pas faire illusion
Cet argument est souvent exprimé sous la forme d’un slogan disant que la répartition choisie par le Parlement est une « lex Zoug », donc ne profitant qu’à ce canton.
Lors des débats parlementaires, le Parti socialiste a même soutenu une proposition demandant une répartition 50-50, et en outre un plafonnement par habitant. Cela signifiait que Bâle-Ville se serait vu confisquer 80% des recettes supplémentaires générées sur son territoire lui être, et Zoug même 90% !
Ce n’est bien entendu pas acceptable, c’est même totalement arbitraire. Car ce sont les cantons qui pratiquent depuis longtemps une politique fiscale attractive, qui sont des contributeurs importants à la péréquation financière intercantonale et qui rapportent des milliards à Confédération en impôts sur le bénéfice, qui auraient ainsi été « punis » en se voyant privés de recettes qui sont le résultat de leurs propres efforts.
Le fait que les cantons aient décidé entre eux d’accorder 25% à la Confédération est donc en soi un compromis. C’est le seul compromis qui mérite le respect d’ailleurs, puisqu’il engage l’ensemble des autorités concernées.
Enfin, il ne faut pas se bercer d’illusions : si d’aventure la mise en œuvre de l’imposition minimale devait être refusée le 18 juin, les cantons concernés pourraient imiter le canton de Neuchâtel. Celui-ci a introduit fin 2022 une réforme fiscale anticipant l’imposition minimale. Elle consiste en un impôt sur le bénéfice progressif. En dessous de 5 millions de francs de bénéfice, l’impôt ne change pas. Les PME ne sont donc pas concernées. Le barème augmente ensuite par paliers. Le résultat : les grandes entreprises multinationales, qui affichent souvent les bénéfices les plus élevés, se retrouvent pratiquement à 15%. En clair, le canton de Neuchâtel n’aura pas à prélever un impôt complémentaire pour atteindre 15%, et n’aura donc pas à livrer une partie de ses revenus à la Confédération. Comme il s’agit d’une modification de l’imposition ordinaire, il en conservera les recettes supplémentaires. Le grand argentier Laurent Kurth ne l’a d’ailleurs pas dit autrement.
Ce projet neuchâtelois a aussi permis d’anticiper aussi une modification fiscale en faveur des personnes physiques et de renoncer à une augmentation du prix de l’eau. Un paquet de mesures donc qui bénéficie à la population, pour reprendre le narratif du Parti socialiste lui-même.
En conclusion : si plusieurs des cantons « riches » mettent en pratique l’exemple neuchâtelois, alors on pourra bien attribuer 50% ou 100% des recettes fiscales supplémentaires à la Confédération, celle-ci touchera moins d’argent qu’avec le modèle actuel. Un comble !
L’opposition du Parti socialiste au projet d’application de l’imposition minimale de l’OCDE est donc motivée par l’idéologie et un refus d’accepter le compromis forgé par les cantons eux-mêmes. Il mène à une impasse et il donne de faux signaux inutiles. Et surtout, il menace notre pays de voir des recettes fiscales lui échapper.